Dernière nuit

Nuit du 14 au 15 décembre 2020. #35

Demain, je prends la route.
Direction la Bretagne, enfin.

Dans ma tête, se bousculent les images que je verrai passer sur le trajet : la concentration du début, les longues heures sur autoroute, la playlist de noël sur l’enceinte, les sandwichs sur le siège passager, la voix qui chante, la légèreté du corps qui cherche à se décontracter, les muscles qui se raidissent passés les deux premières heures, les courtes pauses sur des aires paumées qu’on finit par écourter tant l’impatience grouille, les quelques minutes de bouchons du côté de Rennes, les paysages qui changent, les panneaux qu’on craint de louper, les sorties qu’on prend presque au hasard sans savoir vraiment où on va, puis ce sourire qu’on a du mal à dissimuler et l’inquiétude qui s’envole lorsque les directions se confirment et qu’on se voit arriver.

Déjà, cette nuit, il est difficile d’empêcher mon visage de s’éclairer. J’ai le cœur qui bat en songeant aux vagues et aux vents salés. Parce qu’après de longues semaines d’émotions tumultueuses – la plupart négatives – je ressens comme une profonde bouffée d’air frais.
J’entends même la pluie ; ce soir encore, elle glisse sur les vitres abimées de ma véranda. Il y a quelques nuits, je te parlais d’un appel, mais en réalité, c’est bien plus que ça. C’est comme si j’y étais déjà, là-bas.
Et alors que se consume ma dernière cigarette, les larmes que je pleure sont de joie.
Excitation plein les yeux ; hâte qui tente d’échapper à mes paupières. Le poids de la solitude se soulève. Et profondément, je renais.

J’ignore si je vais parvenir à trouver le sommeil.
Car demain, on y est. Le contact. Les retrouvailles. Les embrassades. Les rires qu’on entend sans filtre ou réseau saccadé. Profiter à s’en foutre du reste, parce qu’on y sera, présent.e.s dans ce qui nous semblera être un moment en suspend tant on l’a attendu.
Peut-être même, qu’entre nous, sans attestation dans la poche, on se sentira nu.e.s.

Alors, certes, je t’écris pour la dernière fois.
Et si ce n’est pas toi que je retrouve demain, soit certain.e qu’une partie de mes pensées te seront dirigées.
Mais à toi qui accueilleras mon être et toutes les ondes positives que ce soir j’écris, lis le plaisir que j’ai de partager, dans quelques heures, tes sourires.

Demain, la nuit sera nôtre.
Ensemble, on lèvera les yeux vers la lune. Notre lune.
Et sous le poids de nos regards et de nos voix simultanés, on se sentira pleinement exister.

Enfin, déconfiné.e.s.

Tendrement,
Tim.

Merci à toi d’avoir lu, suivi, commenté ces billets nocturnes de confinement. Ce fut un plaisir de passer ces trente-cinq nuits avec toi.
Je te souhaite d’excellentes fêtes, et surtout, de très belles nuits de tendresse.

Timothée Cueff

writing & slam poetry • currently living in Ireland

https://timotheecueff.com
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