Passage d’année

Je ne veux presque pas voir la nuit tomber. Et par nuit, j’entends celle qui commence lorsque je ferme les yeux. Alors, comme pour retarder ce moment, je me sers un (peut-être) dernier verre et allume une (peut-être) dernière clope.
Puis je regarde cette encore suffisamment pleine lune et je ressens chaque frisson qui englobe mon corps à mesure que le froid gagne mes pores.

Sept heures de série. Trois cigarettes seulement. Mais je ne sais combien de verres.

Une soirée pas pleinement vécue. Et l’impression que finalement, la soirée n’est pas encore là.
Où sont les gens ? Quand arriveront-ils ?
Aucune danse, parce que pas de musique. Et quelque part, pas le moindre effet d’alcool dans lequel se consumer.

Puis, quoi après ? Je retarde l’avancée de la clope et je laisse la gelée me saisir. Ne pas s’endormir.
J’avais l’espoir de passer le reste de la nuit sur mon jeu favori, mais finalement, pas de sortie de la nouvelle extension prévue pour ce soir. Alors, quoi faire lorsque la dernière braise s’épuisera ? Où sont cachés les baisers de minuit, les embrassades en folie, et l’amour qui suit ?

Ce soir, j’aime de travers, j’aime d’ennui.

Plus rien à fumer, déjà ; j’écrase le mégot. Mais dans le cendrier, c’est un peu de moi qui s’éteint. Et qui pour me rallumer ? Où les fumeurs.euses qui te tendent leur briquet ?

Pas envie de rejoindre mon lit, alors pourquoi pas dormir là, sur le canapé, avec toutes les lumières allumées dans l’espoir que les invité.e.s arrivent, me réveillent et me murmurent : « Ça y est, la nuit peut commencer. »

Je suis rentré, mais je reste frigorifié. Le temps lui-même s’est presque arrêté de couler. Pourtant, j’entends des voitures, dehors, comme un rappel à la réalité.
Ce sentiment d’infinie solitude : où la joie est-elle passée ?

Je crains les rêves qui alourdissent mes paupières.
Vais-je au moins finir ce dernier verre ?

Mais se sentir seul lorsqu’on l’est vraiment, c’est pas si grave ; c’est l’être lorsqu’on ne l’est pas qui l’est davantage.

Mes muscles s’endorment, et plus rapidement quand mon esprit leur rappelle qu’il faudra monter les escaliers avant de se reposer. Même mes pensées fonctionnent au ralenti. Finir le verre, but premier. Terminer ce texte, but second. Le publier, peut-être, but dernier. Et puis, quoi après ?

J’ai le silence, la fatigue, le calme ; besoin de quoi en plus pour trouver Morphée ? Peut-être des rires de fin de soirée, et une voix sans filtre qui me souhaiterait de passer une bonne nuit.
Quelque chose de simple, mais quelque chose avec toi.
Et entre tes bras, un petit bout de moi.

Timothée Cueff

writing & slam poetry • currently living in Ireland

https://timotheecueff.com
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