Nuit du 12 au 13 décembre 2020. #33

Ce soir, boire, manger gras et se foutre du ventre qui gonfle.
Se souvenir qu’il y a des muscles sur ce visage. Des façons de l’étirer, de le bouger, de le faire sourire.
Plus même : de le faire rire, à gorgée déployée, avec les larmes sur les joues et le ventre gonflé qui se plie jusqu’à marquer la peau.
Avec tout ça, sentir le corps se décontracter et les pensées noires s’envoler.
Voir la joie exister.

J’ai tendance à oublier les fous rires – éclipses sur être lunaire.
Pourtant ils sont là, tous les jours, parfois pendant de longues (très longues) minutes.
Seulement, quand vient la nuit, les insomnies et les pensées en pagaille, j’ai la mémoire qui flanche. Les instants de colère, de frustration, de déception, de honte, de mélancolie, de dépression dissimulent injustement les brefs moments d’évasion.
Et ainsi, je t’écris, un peu plus enfoncé dans la nostalgie.

Mais ce soir, c’est différent. Difficile d’effacer de mon esprit deux heures entières de rires.
Hélas, encore une fois, encore une nuit, l’écriture tire avec elle passé et angoisses. Par automatisme sans doute, comme si la lune activait l’ouverture de tous mes sombres tiroirs poussiéreux.
Alors, je m’interroge. Suis-je uniquement fait de tristesse derrière la déconnade ? Ai-je été façonné aux pleurs avant d’être camouflé sous une toile d’hilarité ?

Souvent, je me demande quand les souvenirs arrêteront de faire mal.
Puis, ça me revient. On a fissuré la coquille, mais à l’intérieur, il ne faut pas grand-chose pour provoquer des éclats.
À peine quelques chatouilles – en particulier celles qu’entraînent tes doigts.

À la nuit prochaine,
Tim.

Timothée Cueff

writing & slam poetry • currently living in Ireland

https://timotheecueff.com
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