Se sentir appartenir

Nuit du 11 au 12 décembre 2020. #32

Se sentir appartenir.
Un sentiment que je peine à trouver.
Alors, des bibelots, des mémoires et des traces, j’en ramène de toutes parts. J’accumule sur mon corps les lieux et les endroits : le sud, le marais, Braga, et la belle.

Cette nuit, c’est à la belle que je pense.

Brièvement, aujourd’hui, j’ai coupé la playlist de Noël et je l’ai remplacée par le son des vagues. Toutes sortes d’images me sont revenues : les pieds nus enfouis dans le sable des plages bretonnes, les danses des herbes folles sur les dunes, le parfum salé de l’eau et le vent comme une série de gifles sur mes joues roses.
Impossible de me rappeler le nombre exact de mois qui se sont écoulés depuis. Plus de douze, c’est certain ; pas loin de vingt-quatre, je crois.
Des dizaines de semaines passées sans y penser. L’habitude, peut-être, de ne pas mesurer l’ampleur du temps, et celle, sans doute, de refuser d’y songer par crainte de plonger dans la nostalgie.
Cette nuit, pourtant, m’y voilà. L’espoir de la veille laisse place à la mélancolie, aux souvenirs d’airs marins et de ces paysages que j’ai toujours appelés « maison ».

Et cette nuit, en songeant à elle, à la belle Bretagne, j’ai le cœur troué. Les vaisseaux qui l’alimentent ne sont plus remplis de sang, mais gorgés à l’eau salée – un tour de magie du cerveau pour me rappeler à l’ordre.
Des nuages devant la lune, mais le vent et la pluie comme un appel. Une brise qui me souffle des reproches et des questions sans réponses. Pourquoi partir si longtemps ? Pourquoi ne pas revenir plus tôt ? Quel secret cacher à la marée et aux flots ?

J’ai désormais les yeux rivés sur des photos de famille – la marinière de mon grand-père et les traits bretons de ma grand-mère.
Puis, une carte postale – vision de Bretagne.
L’encre dit que je m’amuse le long du canal de Nantes à Brest, avec la tempête qui noie les pleurs de l’enfant que j’étais – que je suis encore.
J’imagine – ou peut-être est-ce un souvenir – une toute petite tente au milieu d’un camping, près du Blavet. À trois, serré.e.s, entouré.e.s de la pluie et du vent qui manquent de nous emporter.

Rage, puis accalmie.
Une terre qui écoute, qui absorbe, et qui, depuis si longtemps, reçoit mes larmes.
Un amour à distance. Un manque. Et des centaines de traces sur mon corps.

Cette nuit, je me sens appartenir.
Un sentiment que je peine si souvent à trouver.
Mais elle est là, ce soir, la belle, dans chacune de mes pensées.

Tendrement nocturne,
Tim.

Timothée Cueff

writing & slam poetry • currently living in Ireland

https://timotheecueff.com
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