Soif d’aventures

Première étoile à droite, et tout droit jusqu’au matin ! s’exclama Peter à l’attention des Darling.
— Peter Pan, J.M. Barrie

J’ai moi aussi cette faim infinie d’aventures. De vie. De sourires. De rencontres. D’éclats de rire. De larmes. De peurs. De frayeurs. D’ennui. De pauses. De merveilles. Et de dégoût. Je veux goûter à tout. Je ne suis plus de ces enfants capricieux qui se contentent de peu. Mon caprice est dans mon appétence. Dans l’envie d’aller plus loin, de faire plus, de voir sans limites. J’ai le ventre creux de toutes ces choses que l’univers attend de montrer.
Alors, depuis le bureau de mon petit vingt mètres carré, je garde de la place. Je réduis les doses pour pouvoir tout avaler une fois l’opportunité devant mon nez. Et pour combler l’appétit, pour ne pas me concentrer sur le vide de mon estomac, j’écris. Je liste mes envies.

Je me vois dans un camion. À traverser l’Europe avec passion, en ignorant les interdictions d’une mère bien trop inquiète.

Je vois le matelas qui se plie et se déplie dès lors que tombe la nuit.
Je vois les pneus qui s’affaissent à mesure que les kilomètres se dessinent sur les routes silencieuses.
Je vois les matins difficiles et les soirées fatiguées.
Je vois l’énervement de reprendre le volant.
Je vois les sourires d’émerveillement.
Je vois les petits repas et le porte-monnaie qui se vide.
Je vois les économies qui défilent.
Je vois la peur du camping sauvage.
Je vois les mots qui s’alignent sur les pages.
Je vois l’envie de créer dans une solitude exacerbée.
Je vois l’accompagnement et les longues discussions.
Je vois les piqûres de moustiques et les photographies pour lesquelles on s’applique.
Je vois l’aventure qui frétille jusque dans le bout des doigts.
Je vois le voyage qui dure pendant presque un mois.
Je vois l’ennui de rentrer et la peur d’affronter ses responsabilités.

Je me tiens droit, face à des parents qui s’agacent déjà de mon entêtement. « C’est décidé, dans un an, je pars ! »
À coup de roues, de boue et de freins correctement huilés. Seul ou accompagné. Anxieux et excité. Boule au ventre. Papillons d’estomac. Fourmis des pieds jusqu’aux phalanges. Tête dans les nuages. Pieds sur les pédales. Mains sur le volant. Clignotant et frein à main. Calendrier porté sur mai ou juin prochain.

Et déjà, je suis là, à cocher les cases qui m’éloignent de l’aventure. De la première étoile à droite… avant d’atteindre le matin.

Timothée Cueff

writing & slam poetry • currently living in Ireland

https://timotheecueff.com
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Mes doux pétales argentés